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Darwinisme social

L'expression "darwinisme social" désigne l'application de la théorie de la sélection naturelle (Charles Darwin, théorie sur l'évolution des espèces), en principe réservée au monde animal, à la société humaine. L'extrême droite se sert de cette théorie dangereuse pour prouver que les êtres humains ne sont pas égaux.

Ce que l'on nomme communément le « darwinisme social » est né en parallèle de la théorie de Darwin. Il en est une extension au domaine de la sociologie, extension que Darwin lui-même rejeta dans son ouvrage La filiation de l'Homme publié en 1871.

Il est communément admis que le darwinisme social a pour principal inspirateur l'anglais Herbert Spencer (1820-1903). Autodidacte de talent, il avait été élevé dans un milieu non-conformiste où l'auto-instruction était privilégiée. (...) Dans ses écrits, dont le principal sera La Philosophie synthétique qu'il prendra 36 ans à développer en entier, il exprime sa conviction que la société doit être organisée en accord avec les lois de la nature qui, dans son idée, sont basées sur l'inégalité et l'élimination impitoyable des moins aptes. (...) Si [l'] implication [du darwinisme social] sera raciale (avec notamment toute la pensée eugéniste) elle sera aussi économique avec le libéralisme intégral et ne peut être dissocié d'une vision de classe ou la bourgeoisie se sert du mérite pour s'attaquer à la règle héréditaire de l'aristocratie qu'elle tend à remplacer à partir de la fin du XVIIIe siècle.

(...) L'extension des lois dites naturelles au champ social forme l'ossature de l'idéologie de l'extrême droite, de ses origines à nos jours. Les lois naturelles dont il est ici question sont particulières, reconstruites selon le schéma idéologique fondamental de l'inégalité hiérarchisée. Les tenants du darwinisme social ont une vision figée de la nature qui est partiellement reconstruite à partir de leur idéologie, niant ainsi les phénomènes d'entraide, de mélange entre espèces, d'homosexualité... présents dans la nature. Peu d'auteurs se sont finalement intéressés à cet axiome idéologique, privilégiant souvent l'analyse des effets, l'étude détaillée des différences entre les régimes ou partis, s'attardant à faire des distinctions entre fascisme et extrême droite, ou restant sur des aspects comme le racisme ; tous aspects qui, s'ils ont pris une dimension particulièrement visible, n'en restent pas moins des conséquences d'une vision du monde particulière et non une cause. C'est ce que démontre Alain Bihr lorsqu'il explique que « la pensée d'extrême droite trouve spontanément dans la nature, et plus particulièrement dans la vie et le vivant, un paradigme qui lui fournit une source inépuisable de métaphores et d'analogies érigées au rang d'arguments [...] Les inégalités naturelles entre espèces et races constituent le modèle en même temps que la justification des inégalités sociales entre races, ethnies, peuples, nations, sexes et individus. » (Alain Bihr, L'actualité d'un archaïsme. La pensée d'extrême droite et la crise de la modernité, Lausanne, Editions Page deux, 1998, p.33.) Et de préciser que « l'inégalité est d'abord une donnée universelle, au sein de la nature comme au sein de l'humanité : les espèces, les sexes, les civilisations, les peuples, les collectivités politiques, les individus même sont foncièrement inégaux entre eux. Pour cette pensée, il s'agit d'une véritable loi ontologique, à laquelle rien ni personne ne saurait faire exception. » (Idem, p.27)

(Extrait de Julien Dohet, Le Darwinisme volé, Éditions des Territoires de la Mémoire, 2010, pp. 21-24)